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L’analytique au service de l’expérience employé (Banque Nationale du Canada)

Publié le 21/10/25

L'auteur

Directrice principale, Analytique employé et stratégie d'affaires expérience employé à la Banque Nationale du Canada, Geneviève Barrette est titulaire d'un doctorat en psychologie sociale et organisationnelle.

L'auteur

Directrice principale, Analytique employé et stratégie d'affaires expérience employé à la Banque Nationale du Canada, Geneviève Barrette est titulaire d'un doctorat en psychologie sociale et organisationnelle.

La Banque Nationale du Canada est implantée pour l’essentiel au Québec, avec au total près de 27 000 employés, 384 succursales et 2,7 millions de clients. Elle exerce une activité principalement basée sur les services aux particuliers et aux entreprises en gestion de patrimoine. 

Jusqu’en 2016, les informations dites « employés » étaient partielles et se trouvaient consignées dans des dossiers papier dans les bureaux des gestionnaires. 

Avec la digitalisation, le système de gestion des informations employés s’est étendu ; la question s’est posée du potentiel analytique afin d’augmenter les points de contact sur les parcours professionnels des employés. Beaucoup plus d’informations ont pu être consignées sur l’expérience d’intégration, de recrutement, de développement au sein de l’organisation, ainsi que sur les solutions technologiques que les salariés emploient dans leur travail et leur environnement physique de travail. Des données perceptuelles ont pu être récoltées à partir des commentaires nombreux des salariés. A l’avenir, les données et leurs usages vont continuer à se diversifier, dans le cadre éthique et responsable qui a été défini et formalisé au sein de l’organisation. Il est nécessaire de s’assurer que les décisions stratégiques tiennent compte des impacts humains. L’amélioration de l’expérience de l’employé est donc une dimension qui va prendre de l’ampleur dans les années qui viennent. Quels sont les moments de la vie au travail les plus importants pour les salariés et de quoi peuvent-ils avoir besoin pour que ces moments soient des plus agréables ?

Au plan organisationnel, le service Analytique Employé regroupe une trentaine de personnes qui sont analystes, scientifiques de la donnée, champions de la protection des données personnelles, spécialistes de la traduction de la donnée en réponse aux besoins. Il assure la sécurisation, l’entreposage, la gestion des accès, le traitement et l’utilisation des données employés dont la banque est responsable

Les applications actuelles

L’utilisation de l’IA dans le domaine des ressources humaines a répondu à 3 objectifs.

1. Favoriser une expérience positive des employés de manière plus fine que ce que l’on peut faire de façon intuitive, et en personnalisant leurs expériences.

Il s’agit d’améliorer l’expérience que vivent les employés dans l’organisation et d’informer les gestionnaires des résultats obtenus pour favoriser cette expérience positive.

Concrètement, l’IA, et sa capacité de traiter un grand nombre d’informations a permis de soutenir le bien-être des employés pendant la crise pandémique. Du jour au lendemain, le 13 mars 2020, les salariés ont travaillé chez eux, avec des équipements plus ou moins adaptés et des clients inquiets, ce qui a induit un accroissement du stress pour les employés. Il a alors été décidé de réaliser un sondage avec 4 questions simples. Les résultats ont été analysés pour partie à l’aide d’algorithmes. Des groupes plus à risques ont été identifiés ce qui a permis d’orienter le soutien RH dans les secteurs ainsi repérés. Le traitement des données a permis de suivre et comparer les équipes entre elles, celles qui gardaient le moral, se remettaient plus rapidement des difficultés rencontrées ou celles qui souffraient le plus de la situation. Petit à petit, il est devenu nécessaire de classifier les commentaires en fonction de problèmes identifiés dans des unités de travail précises, ce qui a permis de mettre en place des mesures à partir de l’analyse réalisée.

L’équipe dédiée a pu circonscrire des groupes à risques, par exemple, dans l’Ontario, les jeunes vivant seuls, les employés qui occupaient un poste d’entrée ou ceux qui se rendaient au travail. 

L’IA permet donc d’identifier des sous-groupes d’employés qui partagent des réalités communes afin d’adapter nos programmes et nos interventions à ces besoins spécifiques. On personnalise l’expérience des employés en fonction des besoins propres de notre main d’œuvre. Il est alors possible, d’une part d’identifier ces segments de main d’œuvre en fonction de caractéristiques qui varient selon les projets, et d’autre part d’automatiser la présentation de certains types d’informations en fonction des besoins qui sont propres à des sous-groupes.

2. Améliorer les processus RH

Pour que les processus de recrutement soient équitables, il est important de les suivre et de les analyser. L’objectif est de recruter essentiellement en fonction des compétences en évitant les biais.

Il est question ici de la relève en gestion des talents, les algorithmes pouvant servir à tester des scenarii alternatifs comparés. Par exemple, depuis quelques années, le recours à l’analytique et plus récemment à l’IA aide à scénariser le plan de succession annuel. Ces modélisations ont permis d’améliorer grandement nos stratégies d’amélioration de nos plans de succession, ce qui n’auraient pas été possible par un traitement manuel.

Avec ce second objectif, il s’agit de maximiser l’apport stratégique du conseil en ressources humaines en ciblant les interventions pour mieux comprendre l’impact que l’on déploie sur les employés et les gestionnaires mais également l’impact de facteurs externes.

3. Troisième objectif, agir de manière responsable

Les capacités technologiques évoluent grandement et sont nouvelles pour une large majorité des professionnels des ressources humaines. Il est de notre responsabilité d’éduquer les professionnels et les exécutifs de notre secteur : Qu’est-ce que l’IA, quelles sont ses capacités ? quels sont les risques d’utilisation ? Comment mitiger ces risques et s’entendre sur une approche commune face à l’IA ? Qu’est-ce que l’on fait, qu’est-ce que l’on ne fait pas, quelle gouvernance met-on en place ?

Pour cela, nous avons développé notre propre cadre d’utilisation responsable des données. Les principes suivants d’utilisation éthique et responsable doivent tous être respectés : 

  • avoir un impact positif : dans l’objectif d’améliorer l’expérience des salariés, il est nécessaire que l’utilisation des données soit bénéfique pour les employés plus que risquée ;
  • être équitable et inclusif :  l’utilisation des données ne doit pas comporter de biais ou d’effets discriminatoires. Il a été décidé de ne jamais utiliser les algorithmes pour prendre des décisions de gestion de façon automatisée sur les individus ;
  • être rigoureux : en associant des universitaires, des standards scientifiques exigeants sont établis et garantissent la validité et la performance des analyses ;
  • être transparent : l’analytique est opéré de manière transparente et les employés doivent avoir confiance et consentir à toutes les utilisations de leurs données.

Face à de grandes avancées dans le domaine de l’IA, tels par exemple que les modèles de langage génératif qui commencent à se développer aujourd’hui, nous pourrons nous référer à ce cadre éthique.

Des applications naissantes : l’exemple des interactions humaines au siège social

Deux nouveautés font que les données sur le travail hybride et la localisation des salariés sont devenues  cruciales : 50 à 60 % du temps de travail se fait à distance; parallèlement, la construction du nouveau siège social de la banque a débuté en 2019. 

Il s’agit d’un bâtiment d’une quarantaine d’étages dont une trentaine sont occupés par des bureaux collaboratifs. Les salariés ont besoin de se retrouver pour collaborer et réactiver les échanges informels. L’objectif est de modifier le projet originel en fonction de ce qui a été compris des besoins de travail et des nouvelles habitudes de télétravail.

Des visites de plusieurs immeubles de bureaux intelligents accompagnés de l’intégrateur One Point ont été organisées. Théoriquement, 12 000 employés vont se regrouper dans le nouveau siège social. Des rencontres avec des échantillons d’employés sont organisées pour présenter ce qui sera fait à l’intérieur de l’édifice et tester les propositions d’aménagement. Les employés doivent se sentir libres de s’installer là où ils le souhaitent. La nécessité se fait sentir d’un environnement de travail ouvert, grand, vaste mais où les employés peuvent retrouver leurs collègues.

Les algorithmes sont utilisés pour réaliser ce travail et permettre de repérer les collègues avec lesquelles les collaborations sont régulières et fréquentes. Il est nécessaire d’agréger les données sur les équipes pour déterminer leurs collaborations. Un assistant de planification des visites au bureau est mis en place pour que chacun puisse voir qui de ses collègues est présent sur place afin de ne pas se retrouver seul au bureau.

Dans le nouvel édifice, des données de localisation seront utilisées et pourront être analysées ou non en fonction de la volonté de l’employé. Cela permettra de s’assurer d’une bonne répartition des salariés dans les étages dans un souci de sécurité. Des zones sont exclues de cette localisation comme les toilettes, les zones de repos, etc.

La personnalisation des expériences de travail permettra d’intégrer les capacités analytiques avancées de l’IA pour concevoir des expériences employés « uniques ».  Le développement d’un chatbot a commencé mais c’est un travail très important et non abouti, de même que l’utilisation de plateformes d’apprentissage plus personnalisées à l’individu, sans que l’employeur n’ait accès à ces données.

Le défi aujourd’hui est de créer, à l’aide de l’analyse algorithmique, le milieu de travail le plus stimulant en permettant aux employés de choisir tout en assurant la sécurité de leurs données.

C’est une pratique encore naissante, il est nécessaire d’être prudent. II est nécessaire que l’employé soit reconnu qu’il puisse trouver un équilibre entre vie personnelle et professionnelle, et que la vie au travail soit facilitée.

Dans ce projet, le développement des compétences digitales et la compréhension de la donnée sont cruciales pour l’ensemble des salariés mais particulièrement pour les équipes ressources humaines. Des consultations sont organisées pour soumettre les projets d’utilisation des données. La cocréation des processus d’utilisation des données avec les salariés eux-mêmes reste un aspect fondamental.

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