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Etude des cas d’usage de l’IA dans une banque : analyse des comportements des salariés et enjeux organisationnels

Publié le 21/10/25

L'auteur

Fabienne Perez est Attachée Temporaire d'Enseignement et de Recherche en Sciences de Gestion, Faculté d'Economie-Gestion Aix-Marseille Université.  Avec 20 ans d’expérience opérationnelle, elle a été DRH dans des différents secteurs : transports urbains, métallurgie, ingénierie et matériaux de construction.

L'auteur

Fabienne Perez est Attachée Temporaire d'Enseignement et de Recherche en Sciences de Gestion, Faculté d'Economie-Gestion Aix-Marseille Université.  Avec 20 ans d’expérience opérationnelle, elle a été DRH dans des différents secteurs : transports urbains, métallurgie, ingénierie et matériaux de construction.

La recherche ici présentée porte sur une étude qualitative menée au sein d’une banque régionale d’environ 2300 salariés.  La partie terrain a été organisée entre 2018 et 2019. A l’époque, l’IA n’était pas aussi vulgarisée auprès des salariés. 

Elle s’est intéressée à certains outils très classiques d’aide à la décision avec pré-remplissage des mails intégrant des préconisations algorithmiques sous forme de listes à destination des conseillers de vente. Il s’agissait essentiellement de reconnaitre les besoins clients et leur proposer des produits adaptés.

Plusieurs outils ont été mis en place dans l’entreprise, notamment une messagerie automatisée et des chabots. 

Vingt-sept entretiens ont été réalisés auprès des collaborateurs et des managers avec une trentaine d’heures d’enregistrement, 3 ans après l’implémentation des outils. 

Les objectifs de l’étude

Peu de travaux de recherche avaient été consacrés aux réactions des individus face à l’IA.

Quelques articles avaient été publiés dans les années précédentes relatifs aux spécificités des algorithmes d’apprentissage et à leurs conséquences sur le travail[1] . Ils portaient en particulier sur l’effet « boîte noire » lié à l’opacité des systèmes, et sont son impact sur la prise de décision. Ces travaux mettaient en évidence des conséquences possibles au niveau du travail des salariés :

  • la transformation de l’expertise, de la qualité et de la quantité des tâches (on confie des tâches ou des éléments de réflexion à la machine, quelle va être la valeur ajoutée de l’individu ? comment va-t-on modifier les missions des salariés ?) ;
  • la modification des métiers et des frontières ;
  • des effets induits avec de nouvelles formes de contrôle et l’augmentation de la coordination. 

En 2017, le Rapport Athling, commandité par l’observatoire des métiers de la banque sur l’évolution de l’emploi et des compétences, précisait également les fonctions concernées par l’IA : les fonctions support (dans 60% des cas d’usage étudiés), le back office avec les métiers de traitement des opérations ((25% des cas d’usage) et La force de vente (15% des cas d’usage).

Ce rapport recensait différents cas d’usage pour la force de vente tels que la reconnaissance optique de caractères), l’analyse de risque, le scoring de ciblage clients, des compte rendus d’entretiens clients générés automatiquement en langage naturel, jusqu’à des diagnostics clients d’épargne et d’assurance, ces outils se perfectionnant avec l’utilisation du machine-learning et du deep-learning.

Partant de ces travaux académiques, il s’agissait à travers l’étude de terrain réalisée dans l’établissement bancaire de comprendre comment dans le secteur bancaire, les individus qui se retrouvaient face à ces nouveaux outils s’adaptaient, leur perception de ces transformations, mais également leurs comportements, en tant que collaborateur mais également en tant que manager.

Il était important de ne pas laisser de côté la question de l’implication de l’individu, sous l’angle de sa proactivité dans la transformation de son travail.
 

[1] Faraj et al., 2018

Les résultats de l’étude

Sur la perception des individus de l’IA face à leur travail

L’IA est perçue comme une menace, entre crainte et contrainte : crainte de déshumanisation et de remplacement, liée à la mise en place de mails suivant les recommandations de l’algorithme, perte d’autonomie et augmentation du contrôle liées aux contraintes induites par de nouvelles exigences de travail.

Elle est en même temps perçue comme une opportunité : 

  • avec une reconnaissance de l’utilité possible de l’outil (un ciblage fin qui permet de contacter des clients, la possibilité de traiter des données que les conseillers ne peuvent pas traiter eux-mêmes)  
  • avec la nécessité pour la banque d’adopter une stratégie pro-active, en allant chercher des clients qui se sont «autonomisés » avec la digitalisation. 

Pour autant, en écho à l’effet « boîte noire », l’IA reste également source de décalage et de questionnement : décalage entre promesses et réalités liées à la méconnaissance de la technologie, questionnements sur les biais et les erreurs de l’IA, sur la qualification des données dont les conseillers n’avaient pas toujours conscience en terme d’enjeu. 

Sur les comportements des individus face à l’IA et aux transformations 

L’approche est de rechercher / mobiliser des ressources, de s’impliquer dans l’amélioration des outils, de prioriser des missions.

Un second type de comportement est au contraire l’évitement, soit, en n’utilisant pas l’outil ou en le contournant (« moi, je sais mieux que la machine, même si la machine me dit cela »), soit en délégant son traitement.

Enfin, les conseillers questionnent la redéfinition de leur travail, en distinguant l’utilité finale de l'IA de ce qu’ils estiment être leur mission, à savoir l’accompagnement des clients.

Sur le rôle de l’organisation

Malgré une communication en interne modérée lors de la mise en place des outils, les managers apportent un support social dans la phase d’implémentation et facilitent les comportements pro actifs des conseillers face aux nouvelles exigences introduites par l’IA.

De manière générale, concernant ces nouvelles technologies, ce dernier point est l’occasion de souligner l’importance de répondre aux enjeux organisationnels dans la conception du travail en adoptant une démarche globale. Cette démarche doit passer par des efforts de sensibilisation et de pédagogie, la co-construction des outils, un investissement dans le déploiement des projets, et l’opportunité pour la fonction RH de redéfinir les missions.

En outre, l’IA n’est encore que peu évoquée dans le dialogue social. Elle reste fréquemment un sujet tabou. Les organisations syndicales sont parfois associées en amont, mais rarement au travers d’expérimentations avant le déploiement de solutions.

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