Briques technologiques Robots collaboratifs Risques professionnels Cobotique et Santé Sécurité au Travail Sabrina Jocelyn Sabrina Jocelyn Publié le 21/10/25 Sommaire L’évolution de la présence des cobots industriels dits « collaboratifs » sur le marché mondial Les besoins identifiés ayant motivé la mise en œuvre d’un programme de recherche Le développement d’une démarche d’analyse intégrée : l’analyse de l’activité collaborative et l’analyse du risque Les moyens de réduction des risques pour les applications robotiques collaboratives L'auteur Chercheuse à l’Institut de Recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité au travail (IRSST), Sabrina Jocelyn est également professeure associée au département de génie mécanique de l’Université Laval et au département de génie des systèmes de l’École de technologie supérieure (ÉTS). Elle est titulaire d’un doctorat en génie industriel de Polytechnique Montréal. Fermer L'auteur Chercheuse à l’Institut de Recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité au travail (IRSST), Sabrina Jocelyn est également professeure associée au département de génie mécanique de l’Université Laval et au département de génie des systèmes de l’École de technologie supérieure (ÉTS). Elle est titulaire d’un doctorat en génie industriel de Polytechnique Montréal. Cobot, c’est un terme qui relève du jargon. Il désigne les robots dits « collaboratifs » qui sont amenés à partager un espace de travail avec l’humain. Leur arrivée autour de 2010 dans l’industrie a provoqué un changement de paradigme car avant c’est le robot industriel conventionnel qui était utilisé exclusivement. L’opérateur n’a accès au robot industriel que pour certaines interventions de maintenance ou d’apprentissage alors que les cobots, eux aussi, industriels, peuvent être en interactions avec l’opérateur. Plus puissants, ils sont souvent plus petits et présentent moins de risques physiques pour l’opérateur. Même s’il est nécessaire d’apprécier les risques induits par les interactions homme/machine, les contacts sont possibles sous certaines conditions pour son utilisation en production en mode collaboratif[1]. [1] Les normes utilisées pour l’appréciation des risques : ISO 10218-1 & 2 de 2011 et ISO/TS 15066 de 2016. L’évolution de la présence des cobots industriels dits « collaboratifs » sur le marché mondial Ils passent de 3% de l’ensemble des robots présents sur le marché, en 2017 à 6% en 2020. Cette croissance au fil des années se matérialise par des propositions de cobots collaboratifs pour des besoins en soudage, manutention, transport sur la chaine de production (pick and place). La cobotique peut s’appliquer aussi à certains robots industriels conventionnels à la condition que des modules comportant des fonctions de sécurité leur soient ajoutés. Ce type de dispositif est, par exemple, utilisé dans les opérations de palettisation. Le développement de ces cobots « collaboratifs » nécessite qu’ils soient équipés de fonctions de sécurité au sens où l’entend la norme ISO 12100 de 2010 : « fonction d’une machine dont la défaillance peut provoquer un accroissement immédiat du ou des risque(s). » Les besoins identifiés ayant motivé la mise en œuvre d’un programme de recherche Le flou réglementaire relatif au partage de l’espace entre le robot et l’humain n’existe pas seulement au Québec mais aussi aux Etats-Unis et en Europe. En 2015, l’IRSST organise une animation scientifique où sont conviés des représentants des milieux industriels et des professeurs en robotique. Il ressort de ces discussions qu’évaluer les risques liés à la cobotique représente un défi auquel il est nécessaire de s’atteler. Une programmation de recherche sur la cobotique est proposée avec deux grandes parties. Un premier thème de recherche porte sur l’analyse des risques. Un deuxième thème porte sur l’intégration des moyens de réduction du risque aux applications robotiques collaboratives. Les travaux de recherche de l’IRSST sont menés en collaboration avec l’INRS en France. Le développement d’une démarche d’analyse intégrée : l’analyse de l’activité collaborative et l’analyse du risque Cette première partie de l’étude porte sur les intentions des entreprises au Québec et les solutions cobotiques mises en œuvre. Pour mener à bien cette recherche, il a fallu réaliser une étude exploratoire pour mieux cibler les pistes de recherche. Un premier volet de recherche à partir des données théoriques Comme peu de connaissances ont été produites sur ce thème de l’analyse des risques, il a semblé préférable, dans un premier temps de réaliser une étude théorique sur trois robots et quatre méthodes de sécurisation[1] issues de la norme ISO 10218 de 2011. On a déterminé trois familles de fonctions de sécurité : la fonction « arrêt » lorsqu’une fonction de surveillance ou un dispositif de protection est activé, la surveillance pour limiter le robot dans l’espace, par exemple, ou limiter sa vitesse, et la fonction de sécurité générale qui permet la resynchronisation si nécessaire, le contrôle d’un cycle ou la réinitialisation du cobot, le cas échéant. On s’aperçoit qu’il faut souvent combiner plusieurs sous-fonctions pour avoir une fonction de sécurité finale. Il est nécessaire de bien veiller à préserver le niveau de performance d’origine du robot. Certains éléments de vigilance sont ressortis de l’étude. Les différences techniques entre les robots ne sont pas sans conséquences sur la sécurité. Le temps de réaction de la fonction d’arrêt détermine la distance à maintenir entre l’humain et la machine et induit la possibilité ou non d’un travail collaboratif. Un deuxième volet déployé en situation de travail prescrit et réel Une étude terrain a concerné six applications collaboratives en relation pour chacune d’entre elles avec un donneur d’ouvrage, un intégrateur et un utilisateur. Il ressort des entretiens menés avec les donneurs d’ouvrage que les raisons qui ont motivé leurs choix de robots collaboratifs c’est d’abord le prix du robot. Bien souvent, les dispositifs de protection ne sont pas pris en compte dans les calculs des coûts alors qu’ils ne sont pas à négliger, comme les contraintes spatiales. Une seconde raison a motivé les donneurs d’ouvrage, l’image de l’entreprise et la plus-value face à la concurrence et aux clients. Pour les travailleurs, des impacts positifs et négatifs sont mis en lumière : Pour ce qui concerne le côté positif de la collaboration avec un cobot, on retient l’allègement de la tâche, l’absence de stress lorsqu’il s’agit d’un partage de tâches occasionnel, la diminution des risques. On note également qu’au lieu d’être remplacés par la machine, ce qui est redouté, les travailleurs deviennent les superviseurs de ces cobots, en quelque sorte, leurs supérieurs hiérarchiques. Les impacts négatifs pour les travailleurs sont le risque de choc avec le robot ou la pièce manipulée par le robot, le fait d’être dans l’obligation de mettre en place des stratégies d’évitement des collisions, et des postures pour éviter le robot qui peuvent être contraignantes selon la situation. Avec l’intégrateur, du fait de sa mission, des pistes d’amélioration sont naturellement ressorties des entretiens. Une analyse complète de risques doit être faite, ce qui n’a pas été le cas dans les six cas étudiés puisque seule la fiabilité a été appréciée. Il semble nécessaire de privilégier des mouvements du robot vers l’intérieur pour préserver la sécurité des travailleurs, ce qui pourrait correspondre à la mise en place de trajectoires sécuritaires. En conclusion, la robotique collaborative nécessite des compromis à différents niveaux. Qu’ils soient financiers ou en lien avec la sécurité, le compromis doit permettre un risque acceptable. La sécurité reste en tout état de cause le principal défi en cobotique. Elle représente un véritable frein à l’adoption de la cobotique dans l’industrie. [1] Arrêt nominal de sécurité contrôlé / guidage manuel / contrôle de la vitesse et de la distance de séparation / limitation de la puissance et de la force. Les moyens de réduction des risques pour les applications robotiques collaboratives Cette deuxième partie de l’étude est en cours. Elle a été commandée à l’IRSST par le Centre National de Recherche Canada (CNRC) et le Centre de Robotique et de Vision Industrielle (CRVI). Le CRVI travaille avec un fabricant de machines agricoles, La Palme. Leur demande est double : assurer la sécurité de l’équipe de recherche qui fait les tests de prototype d’un système robotisé cueilleur de brocolis, et travailler sur les 20 robots qui devront être commercialisés. Il a été proposé, dans un premier temps, de caractériser les applications qui existent pour les intégrateurs de solutions cobotiques. Dans un second temps, il s’agit de comprendre le contexte dans lequel travaillent réellement les intégrateurs (analyse ergonomique) afin de proposer des solutions conformes aux déterminants du processus d’intégration. L’équipe de recherche a déterminé cinq types de collaborations humain/robot : la collaboration directe d’assistance, le robot est un outil de travail ; la collaboration directe en alternance, le robot et le travailleur sont interdépendants et la synchronisation entre eux est indispensable ; la collaboration indirecte séquentielle, par exemple, une table tournante, un carrousel sur lesquels travaillent l’humain et le robot ; la collaboration indirecte en parallèle, avec le même humain et le même robot mais avec deux équipements différents, le même objet est manipulé ; le partage occasionnel de l’espace de travail sans collaboration, comme la presse plieuse hydraulique : le robot vient récupérer des pièces et occasionnellement, le travailleur vient faire un contrôle qualité des pièces produites. La première étape de l’analyse des risques par l’intégrateur porte sur la détermination des limites de l’application collaborative. L’objectif vise à cerner les conditions selon lesquelles l’application va être utilisée et qui vont déterminer les jugements sur les risques (acceptabilité) et les choix qui vont être faits pour ne pas entraver le travail. Une sorte d’aide-mémoire a été établi à l’intention de l’intégrateur. Il s’agit de caractériser l’interaction entre le robot, les équipements avoisinants et les humains : identifier les zones et les pièces manipulées par le robot ; caractériser l’espace dédié à la zone collaborative, les obstacles dans l’espace, les accès ; lister le nombre d’équipements auxiliaires nécessaires ; noter les types d’applications, les cycles de vie et d’intervention du cobot et les conditions environnementales, l’humidité, par exemple. Pour aller plus loin : télécharger l'intervention de Sabrina Jocelyn PDF - 1 732.8 Ko Article précédent Article suivant Article précédent IA/Management algorithmique : un nouveau scénario Article suivant L’intelligence artificielle dans le secteur des jeux vidéo Ceci pourrait vous intéresser L’état des lieux de l’usage de l’IA en GRH au Québec L’usage de l’intelligence artificielle en RH au Québec croît rapidement, et la démocratisation de nouveaux outils comme ChatGPT pourrait réduire les écarts entre petites et grandes entreprises. Québec Le ciblage des interventions sur les risques humains et l’automatisation des tâches simples ... Secteur bancaire Comment se caractérise la transformation du travail dans le contexte de l’industrie 4.0 ? ... Québec Tout découvrir