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La recherche sur les impacts sociétaux de l’intelligence artificielle et du numérique au Québec

Publié le 21/10/25

La recherche sur les impacts sociétaux de l’IA et du numérique au Québec présente une spécificité. La déclaration de Montréal et l’émergence de la notion d’IA responsable ont servi de tremplin à la structuration d’un écosystème original de recherche et la mise en place de l’OBVIA. 

Un pôle d’excellence en recherche académique sur l’intelligence artificielle

Plusieurs chercheurs réputés ont permis d’attirer des investissements importants à Montréal et ont contribué à l’émergence d’entités structurantes pour la recherche sur le numérique : 

En premier lieu, IVADO, l'Institut de valorisation des données, travaille à mettre en relation la recherche et les secteurs industriels qui veulent développer l'intelligence numérique. Depuis sa mise en place en 2017, ce consortium a reçu plus de 130 millions de dollars pour sa première tranche de financement,

Créé dans le même temps, Mila, dirigé par Yoshua Bengio, est un centre d'excellence pour le développement de l'intelligence artificielle dont le but est à la fois d'attirer de nouvelles entreprises et de transférer des connaissances vers le secteur industriel. Mila a bénéficié de 144 millions de dollars avec sa première tranche de subvention provinciale et fédérale, hors contrats avec des compagnies privées.

Plusieurs chaires de recherche ont été octroyées à Montréal à des centres de recherche préexistants comme le CRIM, ou à de nouveaux centres de recherche comme l'Institut intelligence et données (IID) de l'université Laval et le CIM (Centre for Intelligent Machines) à l'université McGill.

 Entre 2007 et 2021, toutes ces organisations[1] ont reçu près de 400 millions de dollars de la part des gouvernements du Québec et du Canada.
 

[1] https://vitrine.ia.quebec/ mis en place par le forum IA Québec

La déclaration de Montréal pour un développement responsable de l’intelligence artificielle

Plusieurs chercheurs réputés ont permis d’attirer des investissements importants à Montréal et ont contribué à l’émergence d’entités structurantes pour la recherche sur le numérique : 

En premier lieu, IVADO, l'Institut de valorisation des données, travaille à mettre en relation la recherche et les secteurs industriels qui veulent développer l'intelligence numérique. Depuis sa mise en place en 2017, ce consortium a reçu plus de 130 millions de dollars pour sa première tranche de financement,

Créé dans le même temps, Mila, dirigé par Yoshua Bengio, est un centre d'excellence pour le développement de l'intelligence artificielle dont le but est à la fois d'attirer de nouvelles entreprises et de transférer des connaissances vers le secteur industriel. Mila a bénéficié de 144 millions de dollars avec sa première tranche de subvention provinciale et fédérale, hors contrats avec des compagnies privées.

Plusieurs chaires de recherche ont été octroyées à Montréal à des centres de recherche préexistants comme le CRIM, ou à de nouveaux centres de recherche comme l'Institut intelligence et données (IID) de l'université Laval et le CIM (Centre for Intelligent Machines) à l'université McGill.

 Entre 2007 et 2021, toutes ces organisations[1] ont reçu près de 400 millions de dollars de la part des gouvernements du Québec et du Canada.
 

[1] https://vitrine.ia.quebec/ mis en place par le forum IA Québec

La déclaration de Montréal pour un développement responsable de l’intelligence artificielle

Partant de ce pôle d'excellence en recherche académique, des discussions se sont engagées sur l'IA responsable. En novembre 2017, le Fonds de recherche du Québec a lancé un forum sur le développement socialement responsable de l’IA, avec une « première version » de la déclaration de Montréal. Plusieurs principes émanant principalement du secteur universitaire ont été présentés au public et mis en discussion pendant près d'un an. Ce processus de co-construction a pris la forme d’une démarche délibérative et inclusive qui a impliqué des citoyens, des experts, des responsables publics, toutes les parties prenantes de l'industrie et la société civile professionnelle.

A partir de cas prospectifs fictifs sectoriels, l'objectif visait à produire des connaissances portant sur les enjeux émergents liés à l'utilisation de l'IA dans la société, pour ensuite déboucher sur des recommandations de politiques publiques. En décembre 2018, le processus a abouti à l’adoption de 10 principes constitutifs de la déclaration de Montréal :

  • le développement et l’utilisation des Systèmes d’Intelligence Artificielle (SIA) devant permettre d’accroître le bien être des êtres sensibles,
  • le respect de l'autonomie des personnes et du contrôle des individus sur leur vie et leur environnement,
  • la protection de la vie privée et l'intimité, face à la possible intrusion des SIA et de SAAD (Systèmes d’Acquisition et d’Archivage des Données personnelles),
  • le principe de solidarité, en ne portant pas atteinte à la solidarité entre les personnes et les générations,
  • le contrôle démocratique des SIA associé à des critères d’intelligibilité, de justifiabilité et d’accessibilité,
  • l’équité, en contribuant à réaliser une société juste et équitable,
  • la diversité et l'inclusion, en rendant notamment compatibles les SIA avec le maintien de la diversité sociale et culturelle,
  • la prudence, en demandant aux développeurs d'intégrer et d’anticiper autant que possible les conséquences néfastes des SIA,
  • la responsabilité, en ne déresponsabilisant pas les organisations et les personnes quand une décision doit être prise,
  • et enfin l’encouragement à un développement soutenable des SIA, de manière à assurer une soutenabilité écologique forte de la planète. 

Même s’il est difficile pour certains d’entre eux de les appliquer de manière opérationnelle, ces principes font aujourd'hui encore autorité dans la plupart des travaux de recherche menés sur la question du développement responsable de l'IA au Québec.

La déclaration de Montréal se veut un processus itératif, laissant ouvert l’engagement probable dans les prochaines années d’un processus visant à compléter cette démarche.

La création d’un observatoire prospectif international sur le développement responsable de l’IA

Misant sur ces travaux, le gouvernement provincial a mis en place en 2017 un comité d'orientation chargé d'élaborer une stratégie de développement de la grappe scientifique et industrielle en IA au Québec. L’une des 5 recommandations produites dans ce cadre a ciblé le développement au Québec d'un pôle d'expertise internationale, et pour en assumer le leadership, la mise en place d’un observatoire prospectif. 

Reprenant cette recommandation, le ministère de l'économie et de l'innovation a donné mandat au fonds de recherche du Québec pour lancer un appel à projets sur 5 ans 2018/2023 doté de 7.5 millions de dollars pour concrétiser cette perspective.

La volonté était de créer une entité qui fédère la recherche et qui puisse, en plus de son rôle traditionnel d'observatoire, travailler de manière dynamique et indépendante en étroite collaboration avec les parties prenantes des milieux de l'industrie, du gouvernement et de la société civile. 

L'Observatoire international sur les impacts sociétaux de l'IA et du numérique (OBVIA) s’est ainsi mis en place début 2019 avec une équipe de 150 chercheurs sous la direction de Lyse Langlois, Vice-doyenne de l'université Laval à l’époque.

Outre l'université Laval, l’observatoire compte également d’autres membres : 7 universités ou écoles affiliées, l'université de Montréal, Polytechnique Montréal, HEC Montréal, McGill, l'Ecole Nationale d'Administration Publique, l'Ecole de Technologie Supérieure, et l'université du Québec en Outaouais, ainsi que 9 cégeps[1].

La mission de l’OBVIA est d’encourager la recherche et d'accompagner l'écosystème québécois pour le bien commun. Elle repose sur une interrogation critique des innovations technologiques. L’observatoire travaille avec l’industrie pour identifier les enjeux cruciaux et les solutions plausibles liés aux problèmes et aux opportunités posées par le développement de l’IA et du numérique au Québec et dans le monde. Avec ses activités de transfert et d'échanges, l’OBVIA est également un espace ouvert sur les comités de pratiques, la société civile et les décideurs publics.
 

[1] Acronyme de Collège d’enseignement général et professionnel au Québec et au Canada, établissement d’enseignement public pré-universitaire

Une communauté de recherche

L’OBVIA est structuré comme un réseau plutôt qu’un centre de recherche en tant que tel. Avec une communauté de plus de 220 chercheurs, l'objectif est de créer des synergies, des connexions interdisciplinaires pour produire de nouvelles connaissances. Les chercheurs proviennent de 3 secteurs, les sciences sociales et humaines, les sciences naturelles et technologies avec des chercheurs en sciences et génie en informatique portant un intérêt pour la question sociale, et le secteur de la santé. Les travaux sur les enjeux entre IA, gestion des données et santé sont d’ailleurs devenus un trait distinctif de l'écosystème québécois.

Plus de 40 chercheurs, titulaires d’une chaire de recherche, apportent leur propre expertise, mais aussi celle de leurs équipes de recherche ce qui renforce la richesse du réseau.

L’OBVIA promeut des valeurs d'équité, de diversité et d'inclusion, et travaille avec des programmes fléchés à l'intégration de la prochaine génération de chercheurs à Montréal.

L'écosystème partenarial de l’OBVIA

Les activités de l’observatoire reposent sur cet important vivier de chercheurs mais également sur une centaine de partenaires qui aident à développer des projets et des collaborations intersectorielles : 

  • des centres ou regroupements de recherche, dont IVADO, IID, Mila ou des centres plus spécialisés tels que le consortium en santé numérique de l'université de Montréal, ou bien encore le CRIMT[1],
  • des start-ups, des producteurs et utilisateurs de l’IA, les associations professionnelles, l’ordre des ingénieurs du Québec, le Conseil interprofessionnel du Québec,
  • des acteurs publics, les Centres hospitaliers de Montréal (CHUM) et de Québec, le Commissariat à la protection de la vie privée[2], la ville de Québec,
  • des organisations de la société civile, comme le Chantier de l'économie sociale ou NordOuvert qui apporte son expertise sur le partage et l'ouverture des données,
  • des universités et centres de recherche à l'étranger, l'université Côte d'Azur, le SCAI (Sorbonne Center for Artificial Intelligence), l’Ecole Normale Supérieur et sa chaire de recherche sur la justice sociale et l’intelligence artificielle,
  • des organisations internationales comme l'UNESCO ou l'OCDE, notamment quand il a été question d'adopter des cadres normatifs internationaux.
     

[1] Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail

[2] Equivalent de la CNIL en France

Le modèle de l’OBVIA

Si l’on décline sa mission, L’OBVIA repose sur 4 fonctions principales :

  • La recherche et la création

Comme toute organisation de recherche, il s’agit à travers cette fonction principale de mener des projets de recherche pour enrichir les connaissances sur les impacts sociétaux de l'IA, notamment au moyen d’appels à projets et de programmes de bourses destinés à attirer les talents dans l’écosystème québécois.

  • La veille et les enquêtes

En organisant une veille scientifique et stratégique sur les travaux disponibles à l'interne et à l'extérieur de l’observatoire et en réalisant des sondages d'opinion, il s’agit de « prendre le pouls » de la société québécoise pour mieux comprendre les perceptions des risques et des défis liés l'IA et au numérique au sein de la population.

  • La délibération

Portant en quelque sorte l'héritage de la déclaration de Montréal, la communauté des chercheurs travaille à animer le débat public, mènent des consultations d'envergure pour donner la voix à la société civile et ouvrir le dialogue avec les différentes parties prenantes. 

  • Les politiques publiques

Avec les mandats donnés par les ministères et les organismes publics au Québec, l’observatoire porte ses travaux de recherche à un autre niveau, en s'engageant dans les débats, consultations et commissions sur les politiques publiques et en apportant un soutien scientifique et analytique aux décideurs publics.

Ces 3 fonctions croisent 8 axes de recherche pour lesquels se mobilisent le réseau des chercheurs : l'industrie 4.0, travail et emploi, la gouvernance et la démocratie, l’environnement, l’axe villes intelligentes, territoire et mobilité, l’axe relations internationales, action humanitaire, droits humains, la santé durable, l’axe droit, cyberjustice et cybersécurité, celui des arts, médias et de la diversité culturelle, et enfin l’axe éducation et capacitation[1].

Pour éviter le travail en silos, beaucoup de projets sont développés conjointement. Par exemple, un chantier de travail porte aujourd’hui sur l'utilisation des données secondaires dans le secteur de la santé, sollicitant à la fois des chercheurs de l’axe éthique, de l’axe santé durable et de l’axe droit.

 Ces axes de recherche ramènent de nouvelles connaissances, de nouvelles problématiques et interagissent avec les différentes fonctions qui elles-mêmes se nourrissent entre elles. Pour reprendre l'exemple de l'utilisation des données secondaires en santé, la fonction veille enquêtes mène actuellement un sondage d'opinion sur les conditions d'acceptabilité sociale de l'utilisation de ces données. La fonction délibération a conduit des focus group au sein de décideurs dans le réseau de la santé au Québec, et dans les prochaines semaines un mémoire de recommandation devrait être déposé au titre de la fonction politique publique. 

Dans ce modèle, les partenaires de l’OBVIA sont mobilisés selon les projets et les initiatives que l’on met en place. 

L’observatoire conduit également quelques projets transversaux. Le comité COVID-19 par exemple, a eu pour objectif de conseiller le gouvernement en produisant de façon très rapide des connaissances et un support analytique pour les décideurs publics pendant la première année de la pandémie. 

Deux chercheurs sont co-responsables pour chacune des 3 fonctions. Ensemble, ils forment avec la directrice générale le comité scientifique. La stratégie scientifique de l’OBVIA a fait l'objet d'un processus de concertation pendant presque un an pour déterminer les préoccupations principales de la communauté de recherche en lien avec les besoins de l’heure. Majoritairement, les projets de recherche s'alignent toujours en fonction des 5 grandes orientations scientifiques qui ont été définies[2]

Le modèle de l’OBVIA, assez inédit, repose en partie sur les travaux de Jean-Louis Denis, chercheur en santé publique à l'université de Montréal. Il a inspiré d'autres structures à l'International, OTESIA, l’observatoire des impacts technologiques, économiques et sociétaux de l’intelligence artificielle de l’université Côte d'Azur, le centre de recherche Cyber Valley en Allemagne, le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) et la perspective de créer un observatoire pan africain sur les questions de numérique. La Cour des comptes en France a également auditionné l’OBVIA sur les conditions qui ont pu favoriser l'émergence d'une recherche interdisciplinaire et intersectorielle sur l’IA au Québec.
 

[1] Au sens empowerment

[2] Contribuer à promouvoir l'inclusion et l’atténuation des biais, améliorer l'accès aux données dans le respect des droits de chacun, contribuer à un meilleur contrôle des systèmes d'algorithmes d'intelligence artificielle et du numérique, soutenir l'appropriation responsable et efficace de l'IA par les organisations et promouvoir un dialogue constructif et démocratique par une appropriation du numérique accessible par la population.

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