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L’IA et le futur des professions : Quels enjeux ? Quelles actions ?

Publié le 21/10/25

Les auteurs

Danielle Boué est Présidente du Conseil interprofessionnel du Québec, Technologue en imagerie médicale.

Jacqueline Corbett est Professeure titulaire, Département de systèmes d’information organisationnels, Faculté des sciences de l’administration, Université Laval. Directrice du Centre de recherche sur les communautés intelligentes (CeRCI) et Coresponsable de l'axe Industrie 4.0, travail et emploi de l'OBVIA, elle est spécialiste des questions d’innovation organisationnelle. Ses travaux de recherche porte sur la contribution et le rôle des systèmes d’information dans le contexte de la durabilité environnementale (SI verts), les réseaux intelligents d'électricité (Smart Grid) et les communautés intelligentes.

Les auteurs

Danielle Boué est Présidente du Conseil interprofessionnel du Québec, Technologue en imagerie médicale.

Jacqueline Corbett est Professeure titulaire, Département de systèmes d’information organisationnels, Faculté des sciences de l’administration, Université Laval. Directrice du Centre de recherche sur les communautés intelligentes (CeRCI) et Coresponsable de l'axe Industrie 4.0, travail et emploi de l'OBVIA, elle est spécialiste des questions d’innovation organisationnelle. Ses travaux de recherche porte sur la contribution et le rôle des systèmes d’information dans le contexte de la durabilité environnementale (SI verts), les réseaux intelligents d'électricité (Smart Grid) et les communautés intelligentes.

L’IA touche l’ensemble des secteurs de la société. Au Canada et en Europe, nous observons la mise en place de tentatives d’encadrement légales des pratiques d’IA, notamment en matière de protection des données personnelles et de l’automatisation des décisions.

L’IA est un élément très important, par exemple dans le domaine de l’imagerie médicale, où l’on voit arriver de nombreux systèmes de soutien d’IA notamment en ce qui concerne le pré-diagnostic ou le diagnostic médical.

A travers cette présentation, nous proposons avec l’arrivée de l’IA dans les différents milieux de travail, de faire le lien entre les besoins et la situation des professions réglementées.

Les professions réglementées au Québec : de quoi parle-t-on ?

Le système professionnel québécois célèbre ses 50 ans d’existence en 2023. Il regroupe plus de 415 000 personnes - dont 62% de femmes - qui travaillent dans le secteur public (les organismes de l’État), et dans le secteur privé. Ces professionnels sont regroupés au sein de 46 ordres représentant 55 professions réglementées et divisés en trois grands secteurs d’activité :

  • la santé et les relations humaines (médecins, infirmiers, travailleurs sociaux…) ;
  • le génie, l’aménagement et la science (ingénierie, architecte, urbanistes…) ;
  • le droit et les affaires (avocats, notaires…).

Les 46 ordres sont membres du Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ). L’ensemble du système professionnel est encadré par le Code des professions, qui rappelle aux ordres leurs obligations. Le système professionnel est encadré par 26 lois professionnelles et plus de 800 règlements.

Les ordres professionnels sont supervisés par l’Office des professions, un organisme paragouvernemental qui s’assure que les ordres réalisent leur mission de protection du public. L’Office dépend du ministre responsable de l’application des lois professionnelles.

Les principaux rôles et responsabilité des ordres professionnels avec les responsabilités qui leur incombent concernent :

  • la protection du public ;
  • le contrôle de la compétence de leurs membres.  Les ordres doivent émettre des normes de pratiques et vérifier que leurs membres exercent selon les hauts standards de pratiques définis dans chacun de leurs secteurs d’activité ;
  • le respect du code de déontologie ;
  • la surveillance de l’exercice illégal ;
  • le développement des professions en rapport avec les grandes tendances internationales et les évolutions technologiques.

Le CIQ, en tant qu’association des ordres, tient un rôle de conseil auprès du gouvernement québécois sur les projets de lois et de règlements visant le système professionnel. Il traite différents dossiers stratégiques comme l’immigration et le numérique.

Dans le domaine du numérique, le CIQ travaille sur 4 piliers fondamentaux, l’usage des réseaux sociaux, la protection des données, la télépratique, et l’IA.

Le CIQ a donné mandat à l’Observatoire international sur les impacts sociétaux de l’IA et du numérique (OBVIA) pour réaliser une étude dans le but d’apporter un éclairage en réponse à la question suivante : « comment les ordres professionnels du Québec peuvent-ils se préparer et s’adapter dans l’ère de l’IA ? ».

Préparé par Jacqueline Corbett et Chris Emmanuel Tchatchouang Wanko, un rapport conjoint intitulé « les enjeux transversaux au déploiement de l’IA au sein du système professionnel québécois » a été publié en mars 2022. (7)

IA et big data

Les « données massives » ont peu de valeur sans l’IA car il est humainement impossible de traiter toutes ces données sans un logiciel ou une application. L’inverse est également vrai : l’IA n’existe pas sans le big data. Les deux sont indissociables

Leurs définitions respectives sont imprécises car les concepts changent : ce qui est nommé aujourd’hui big data ne le sera plus demain ou la semaine prochaine, et une machine dite « intelligente » aujourd’hui sera peut-être « bête » dans 5 ans, 2 ans ou 6 mois. 

On ne peut pas retarder la progression de l’IA et cette évolution implique de répondre à quatre grands défis : 

  • Le premier défi - l’évolution constante de l’IA - représente un défi global qui échappe largement au contrôle direct des professionnels et du système professionnel. L’IA demande une infrastructure très importante. La maturité numérique est un enjeu qui va de pair avec cette évolution constante de l’IA.

Deuxième point, l’IA n’existe pas sans un système, elle n’est pas autonome. Avec le nombre et la variété des SIA (Systèmes d’Intelligence Artificielle), l’IA peut être un chatbot, un robot, une plateforme…

Un troisième point concerne les connaissances fondamentales requises pour bien comprendre ce qu’est l’IA, plus particulièrement la littératie en IA. Il ne s’agit pas ici de connaissances approfondies de l’IA, mais bien d’une sensibilisation globale à cette technologie. De plus, « la littératie en IA est une cible mouvante : ce que l’on a besoin de savoir et de comprendre aujourd’hui sera supplanté par d’autres compétences et connaissances dans quelques années ».

Enfin, l’évolution constante de l’IA augmente le niveau de difficulté pour définir un cadre réglementaire adapté à son utilisation.

Les trois autres défis se rapportent directement à la mission du système professionnel.

  • Le second défi porte sur le rythme d’adoption de l’IA. C’est une décision que chaque profession doit prendre, selon ses propres enjeux. Avec l’incertitude liée aux avantages et aux inconvénients, Il est en effet difficile de mesurer les risques et les bénéfices liés à l’IA car ils sont intangibles. Rentrent également en ligne de compte la préparation, la formation des professionnels, les résistances au changement de la société et des salariés.
  • Préserver le rôle du professionnel est un troisième défi, avec la valorisation de son expertise, la question de sa responsabilité. Se pose également la question de son jugement professionnel et celle de son autonomie. « Cette autonomie ne doit pas empêcher un professionnel de réfléchir par lui-même, et ce même si des recommandations provenant d’un SIA sont apportées. Alors que les SIA continuent d’évoluer, passant de systèmes d’aide à la décision (SIA assisté) aux systèmes d’IA augmentés et aux systèmes d’IA autonomes, cet aspect, fondamental pour le maintien de l’autonomie risque de diminuer. »
  • Dernier défi : l’accompagnement des clients/des patients, préserver le caractère humain de la relation du professionnel avec son client ou son patient, avoir leur consentement pour l’usage de l’IA, garder confidentielles les données générées ou utilisées par un SIA lors d’une interaction entre le professionnel et son client ou son patient.

Ces 4 grands enjeux ne s’appliquent pas forcément dans tous les domaines et dans toutes les professions, ils sont contextuels et dépendent de conditions particulières :  

  • Le type d’IA

Les systèmes d’aide à la décision, ne présentent pas de grands enjeux. Le rôle du professionnel est moins impacté car il garde la main sur la décision.

Les systèmes automatisés, sans intervention humaine, qui peuvent être utilisés dans des processus plus routiniers, plus simple.

La codécision, avec une IA augmentée qui prend des décisions parallèlement aux humains. Il n’en existe pas beaucoup d’exemples mais c’est le type d’IA qui pose le plus de problèmes. Il s’agit d’une zone grise qui va nécessiter des discussions plus approfondies sur la façon dont cela va impacter les professionnels et leur responsabilité. Cela va demander une nouvelle façon de travailler.

  • Le contexte organisationnel lié aux professionnels et leurs marges de manœuvre au sein des entreprises
  • Le type de tâches (selon le niveau de complexité)
  • Les risques liés aux personnes (santé physique et mentale du professionnel et du public, réputation…).

L’étude adresse en conclusion six recommandations au CIQ

  1. S’engager dans un dialogue proactif avec les professionnels ;
  2. Fournir des balises claires en matière d’imputabilité et de responsabilité ;
  3. Adapter les programmes de formation ;
  4. Garantir la priorité de la décision humaine ;
  5. Devenir des partenaires de confiance dans le développement de l’IA ;
  6. Assurer la santé et le bien-être des professionnels.

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