PARTIE 5 Quelle place pour le dialogue social dans l’utilisation de l’IA au travail ? 1. L’accord-cadre des partenaires sociaux européens sur la numérisation 2. La négociation d’accords collectifs sur la numérisation : deux exemples 3. IA, management algorithmique : des initiatives syndicales en Europe 4. Des pratiques de dialogue social qui restent à construire 5. Le système des relations professionnelles au Québec 6. Numérique et renouveau syndical au Québec D’une manière générale, les acteurs du dialogue social peinent à trouver une place leur permettant de peser sur l’utilisation de l’IA. Pourtant, les conséquences en matière d’emploi, de compétences, de conditions de travail, de protection de la vie privée sont telles que le dialogue social permettrait une plus grande acceptabilité de ces outils comme une meilleure protection des travailleurs. Au niveau européen, l’accord cadre signé par les partenaires sociaux européens en 2020 constitue un véritable cadre d’orientation pour accompagner les employeurs, les travailleurs et leurs représentants dans chaque Etat membre de l’Union européenne, dans les négociations relatives aux transformations numériques. En France, en s’inscrivant dans l’esprit de cet accord cadre, les signataires de l’accord relatif à l’impact du numérique sur les conditions de travail et d’emploi dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire proposent uncadre d’action pour les branches professionnelles du secteur. Le groupe Solvay est probablement la première entreprise qui a négocié un accord mondial sur la numérisation. Plusieurs initiatives en Europe témoignent de l’importance qu’accordent les organisations syndicales de salariés au management algorithmique et l’intelligence artificielle. L’action de sensibilisation a organisée par la CARSAT Occitanie, est un exemple d’accompagnement des acteurs du dialogue social concernant l’utilisation de l’IA au travail.. Le projet européen SeCoIA Deal entend contribuer à la promotion d’un dialogue social nouveau, associant une diversité de parties prenantes pour faire face aux défis que posent l’IA. Dans le contexte particulier des relations professionnelles au Québec, les outils numériques offrent en outre une opportunité pour les syndicats de salariés de renouveler l’action syndicale. 1. L’accord-cadre des partenaires sociaux européens sur la numérisation Rebekah Smith et Bianca Cuciniello présentent ensemble l’accord-cadre sur la numérisation signée au niveau européen à l’occasion du sommet mondial tripartite du 22 juin 2020. Pour la partie patronale, il s’agit de soutenir une dimension humaine prépondérante dans l’intégration de la technologie au sein du monde du travail, de soutenir/assister les travailleurs et d’améliorer la productivité, d’encourager une approche partenariale entre les employeurs, les travailleurs et leurs représentants. Pour la partie syndicale, l’enjeu principal était de gérer dans leur ensemble les impacts de la numérisation sur l’organisation du travail dans ses différentes dimensions. L’accord adopte l’approche d’une gestion conjointe des partenaires sociaux : c’est à travers un process circulaire entre les représentants des travailleurs et ceux de l’entreprise que doit être étudié le projet de transformation numérique avant de le mettre en place. L’accord-cadre des partenaires sociaux européens sur la numérisation 2. La négociation d’accords collectifs sur la numérisation : deux exemples Pour négocier l’accord sur le numérique en situation de travail, la méthode a consisté à réaliser une étude d’impact sur les conditions de travail et d’emploi dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire réalisée par l’ANACT. Les parties signataires invitent les branches professionnelles et les entreprises du secteur à s’engager dans la réalisation d’états des lieux sur la base de diagnostics partagés. Ils affirment le « droit à l’expérimentation » comme levier d’accompagnement des projets de transformation numérique. La « conduite du changement » doit être réalisée dans une logique inclusive à l’endroit des parties prenantes concernées, dirigeants, représentants du personnel, managers et salariés. ; Le « dialogue professionnel », qui permet de mobiliser l’expérience des salariés, y compris les managers, a vocation, en articulation avec le « dialogue social », à s’intégrer dans la conduite du changement. L’accord relatif à l’impact du numérique sur les conditions de travail et d’emploi dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire Solvay est une entreprise de l’industrie chimique présente dans 63 pays. L’accord sur la numérisation a été signé avec deux instances transnationales de représentation du personnel. Il s’est construit à partir des pratiques locales, un comité restreint paritaire créé à l’initiative du comité d’entreprise européen ayant fait appel aux « industriels » de chaque business unit pour aborder les questions de transformation numérique. Il a pour objet l’anticipation des changements liés à l’impact du digital. Sa mise en œuvre est accompagnée d’une forte impulsion de la direction générale relayée dans la chaîne managériale. L’accord fournit un cadre qui permet localement à la direction et aux représentants du personnel de réaliser des plans d’action conjoints. L’accord Mondial Solvay sur la numérisation 2020 3. IA, management algorithmique : des initiatives syndicales en Europe En Autriche, Eve Angerler présente les actions engagées par le syndicat GPA, principal syndicat du secteur privé, en matière d’IA au travail. En Espagne, Ruben Ranz Martin explique le rôle de l’UGT dans la lutte des droits des travailleurs des plateformes de livraison et illustre l’importance de la gestion algorithmique et de son incidence sur les conditions de travail de ces travailleurs. Il rappelle l’historique du processus qui a débouché sur la mise en place d’une législation nationale sur les plateformes. Pionnière en Europe, la loi « Riders » adoptée en 2021, en introduisant une présomption de salariat, reconnaît le statut de salariés aux livreurs de plateformes. Les activités du syndicat GPA dans le domaine de l’intelligence artificielle (Autriche) Un nouveau scénario pour la négociation collective et l’action syndicale : l’exemple des actions du syndicat espagnol UGT dans la lutte des droits des travailleurs des plateformes de livraison (Espagne) En France, en partant des guides publiés par la CFDT Cadres et l’Ugict-CGT, Franca Salis-Madinier et Matthieu Trubert soulignent l’importance qu’ils accordent au niveau européen et international, et expliquent comment la question du dialogue social avec l’intégration de l’IA est abordé dans leurs organisations. En Italie Silvia Simoncini explique dans le contexte italien le phénomène de « caporalato » digital et explique comment la question de la discrimination a permis d’opérer un tournant juridique concernant l’utilisation des modèles algorithmiques par les plateformes et leurs incidences sur le travail des « riders ». IA et action syndicale : les guides de la CFDT Cadres et de l’Ugict-CGT (France) Le travail en plateforme et l’algorithme : l’action de la CGIL (Italie) Nicolas Blanc témoigne de son expérience d’expert dans des groupes de haut niveau sur l’IA au plan international et souligne l’importance d’être présent aux différents niveaux de régulation pour agir en amont de l’intégration des systèmes d’intelligence artificielle. Expert dans des groupes de haut niveau sur l’IA au plan international : un retour d’expérience 4. Des pratiques de dialogue social qui restent à construire Comment accompagner la montée en compétence des acteurs du dialogue social ? Laurence Dupuy-Jauvert et Magali Delcey-Turpeau ont participé à l’action « expérimentale » mise en place par la CARSAT Occitanie. Portant sur les risques professionnels liés à l’IA, cette formation paritaire a été conçue en partenariat avec l’Icam de Toulouse. Lancé en 2020 dans un contexte marqué par la montée en puissance des enjeux liés à l’IA dans l’agenda européen, le projet SeCoIA Deal a mis en place une communauté d’acteurs multiculturels autour de la conviction qu’il était possible de construire par le dialogue la confiance dans les outils d’intelligence artificielle. Nicolas Blanc et Odile Chagny présentent les principaux enseignements et outils opérationnels produits par le projet, parmi lesquels figurent la clause de revoyure qui permet d’organiser un dialogue périodique itératif des acteurs sociaux sur l’évolution des outils utilisés, la mise en place d’un registre des outils d’IA et d’un comité d’éthique de l’IA au sein de l’entreprise. Comment accompagner la montée en compétences des acteurs du dialogue social ? Les enseignements du projet européen SeCoIA Deal 5. Le système des relations professionnelles au Québec Le Québec dispose traditionnellement d’une forte culture syndicale avec un taux de syndicalisation plus élevé que dans d’autres provinces canadiennes ou en Amérique du Nord. Dans ce contexte, quelles sont les caractéristiques clefs des syndicats ? Le système des relations professionnelles au Québec Les caractéristiques clefs des syndicats au Québec Ces derniers jouent un rôle important dans la négociation des conditions de travail et la représentation des salariés. Bien qu’il présente des spécificités, le régime des relations professionnelles, communément appelé régime des relations de travail, repose sur 3 grands principes inspirés du modèle nord-américain. Comment se caractérisent les relations professionnelles au Québec ? Comment se négocie l’introduction de changements technologiques ? Au Québec, la négociation entre les syndicats et les employeurs est de type décentralisé. Les accords collectifs nommés « conventions collectives » se déroulent au niveau de l’entreprise. Les syndicats ne sont légitimes que dans les entreprises où la majorité des salariés en font la demande ; les employeurs ont donc absolument besoin de leur signature. Comment négocie-t-on la convention collective ? Comment se négocient les changements technologiques ? 6. Numérique et renouveau syndical au Québec Le Québec dispose de grandes centrales syndicales, mais ce sont surtout les sections locales qui permettent aux syndicats de rendre les services à leurs membres. Pour beaucoup d’entre elles, se doter d’une solution numérique pour organiser et pérenniser l’information est déterminant. La société SAI a développé un logiciel de gestion syndicale qui permet d’opérer le virage numérique devenu aujourd’hui une priorité pour le milieu syndical. Sentinelle, un outil de gestion syndicale Le syndicat des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, les TUAC, compte plus de 250 000 membres au Canada avec 4 sections locales au Québec. Comment les syndicats se projettent-ils dans l’avenir ? Pour répondre à cette question, le renouvellement de l’action syndicale via les outils numériques est aujourd’hui une thématique essentielle pour les TUAC, en mettant en place de nouvelles méthodes de recrutement ou en organisant des assemblées virtuelles. Le syndicat soutient également les travailleurs des plateformes et présente l’entente nationale conclue entre Uber Canada et les TUAC Canada au bénéfice de 100 000 chauffeurs et livreurs qui utilisent la plateforme Uber. Numérique et renouveau syndical aux TUAC Numérique et renouveau syndical aux TUAC (interview) Les autres parties du webdocumentaire Des données aux nouvelles données du travail Partie 1 Les algorithmes sont-ils une opportunité pour la fonction RH ? Partie 2 Vers une réappropriation ou une dépossession du travail par les données dans les organisations ? Partie 3 L'écosystème européen Partie 4 Regards croisés sur les enjeux éthiques de l’IA Partie 6 L’écosystème de l’intelligence artificielle au Québec Partie 7 Synthèse de la réflexion collective des auditeurs Partie 8